Tous des barbares, papier, 43×700 cm, Juin 2019

« Tu ne peux pas comprendre parce que tu n’es pas juive, mais nous, si on passe de l’autre côté, on se fait égorger. Ce sont tous des barbares »

Cette phrase, qui m’a été adressée lorsque j’étais en Israël, m’a marquée dans la perspective qu’elle ouvrait sur la construction du mur érigé par cet Etat. Le mur se justifie par le barbare, le barbare se construit par le langage. Le barbare pour les Grecs anciens était celui qui ne maîtrise ou ne comprend pas la langue. Une histoire de logos, d’incompréhension et de rejet de celui qui ne s’adapte pas. L’installation « Tous des barbares », prolongée par l’édition « l’ombre et le miroir », ne cherche pas à définir le mur mais à le questionner. Les mots sont ici considérés comme les premiers pas vers la muraille, mais peut-être aussi comme leur possible antidote. Entre construction, déconstruction et considération, le livre et la muraille ne sont au final qu’une question de mise en perspective.

 

Extrait de l’édition L’OMBRE ET LE MIROIR

« Le mur, avant d’être une frontière massive de pierres ou de béton, c’est peut-être d’abord tout ce qui le prédestine .

C’est peut-être d’abord la structure idéologique qui, peu à peu, le légitime, l’autorise, l’encourage, le façonne dans le regard des gens. C’est peut-être même d’abord le verbe. Simple, fragile, autoritaire ou angélique.

Le verbe qui s’emmure, caché dans un coin de langue.

Le verbe qui dit, qui affirme, qui proclame. Le verbe qui unit, réunit, qui rejette ou exclut.

Le verbe qui tache et s’attache à des mythes ou des récits glorieux.

Tapi dans une ombre pas si obscure, le verbe nomme, renomme, surnomme jusqu’à faire naître l’idée du mur par le nom du barbare. »